Un grand salut à vous tous!
Nous voici près de toucher l'Empire du Milieu, la Chine, dont la frontière n'est plus qu'à 180 km. 23 mois après avoir débuté ce périple depuis Venise. Nous voulions vous écrire ce message maintenant, tandis que nous sommes arrêtés dans la ville de Gul'cha, au Kirghizistan, car la suite risque d'être sans connexion.
Petit récapitulatif depuis que nous avons repris la marche, le 16 avril : la traversée du nord du Tadjikistan s'est déroulée sans problème, excepté l'épisode de notre âne, le dénommé "Couronne d'or" qui a fugué deux jours après l'avoir acheté à la foire du village de Gosslar.
Nous avons marché 380 km en trois semaines, et traversé plaines, montagnes, zones semi-désertiques, longé le fleuve Syr-Daria ; le soleil a chauffé, le vent a soufflé, la neige est tombée au col de Shariston où un restaurateur nous a recueillis dans son établissement pour la nuit. De nombreux habitants nous ont offert le gîte dans les villages où nous nous sommes arrêtés, des villages ouzbek, kirghiz et tadjik car dans cette endroit du pays les trois populations se côtoient. A Isfara, l'une des plus anciennes cités de la Route de la Soie, l'occasion nous a été donnée, grâce à un jeune instituteur américain, d'organiser des rencontres avec les enfants et de partager la Terre.
Le Tadjikistan a été une très belle découverte.
Nous avons franchi la frontière kirghiz le 8 mai. Entre Batken et Kadamjai, le paysage s'est révélé hostile : du désert rocailleux, quelques villages, un temps pluvieux. La route longe la frontière ouzbek, et de l'autre côté s'étend la plaine fertile du Ferghana. Le contraste était saisissant mais pas à notre avantage. Ce fut une avancée plus psychologique que physique.
Avant-hier nous avons échappé à un déluge, une yourte a été notre refuge pour la nuit. Mais le lendemain, le soleil a resplendi sur la montagne, constellée de hameaux de yourtes et de troupeaux de chevaux. Superbe.
Notre but est d'atteindre la frontière chinoise, nous ne savons pas encore si nous pourrons la franchir car aux dernières nouvelles les autorités chinoises ne délivraient plus de visas par voie terrestre. Nous devrons retourner à Bichkek voir si la situation a évolué.
Dans cinq jours, le col de Sary-Tash nous attend, le passage s'effectue à 3600 m d'altitude. Espérons que le temps soit clément ce jour-là, les variations de température sont dans le coin importantes et les changements qui font passer de l'ombre à la lumière brutaux.
Ce voyage se révèle un voyage total : à travers la culture des peuples, les langues, l'histoire, les arts, la nourriture ; à travers la géographie de notre monde; à travers les relations humaines; un voyage qui est une plongée en soi mais aussi une connaissance, une découverte sans fard, sans masque de son couple.
Toutes les questions sont posées durant cette longue marche, l'essentiel et le superflu, la place que l'on s'accorde ici-bas, le sens de la vie, le permanent et l'impermanent, notre rapport au sacré, au spirituel, au religieux; les jugements que l'on porte sur nous-mêmes et sur autrui, notre orgueil, notre égoïsme, nos complexes, nos peurs mais aussi notre audace, notre combativité, notre capacité d'amour, d'acceptation : tout est remis en question.
Je ne sais pas encore comment nous en ressortirons, quel sera l'impact sur notre personnalité. L'infusion est lente, il y aura eu tellement d'émotions, de joies, de cris, de rires, de larmes et de douleurs parfois, l'esprit, le corps devront digérer tout ça.
La digestion se fera d'autant mieux que nous parviendrons à partager notre expérience à notre retour. Partout où nous pourrons, nous irons, pour raconter, montrer, dialoguer, autour du sens du voyage, de la marche, des valeurs que nous portons avec la Terre, valeurs spirituelles, sportives, culturelles. Des valeurs enracinées et non pas désincarnées. Des valeurs de chair, d'identités, d'hommes à hommes.
De votre côté, n'hésitez pas à nous proposer des lieux susceptibles de nous accueillir si vous en avez connaissance.
Si vous ne l'avez pas encore fait, venez visiter notre nouveau site internet (l'adresse n'a pas changé: www.laterreenmarche.com). Photos, textes, vidéos vous aideront à saisir au plus près la dimension de cette aventure.
Nous vous souhaitons à tous la bonne santé , l'esprit fort et bienveillant.
A bientôt
Pe curând, en roumain
A-greiz kalon - de tout coeur, en breton
Vive La terre en Marche!
Jérôme et Sabina, Marcheurs de la Soie