Le Garde Forestier
Jérôme Bergami, 02 Iul, 2014
Sortie de Ravenne bien difficile! Des trombes d'eau qui s'abattent sur la ville et nous qui voulons rejoindre la première station balnéaire au bord de l'Adriatique, Lido di Classe, et voilà que dépassé la basilique Saint-Apollinaire, nous nous engageons dans la pinède (suivant les indications de l'office de tourisme de Ravenne). Ca avait l'air simple sur la carte, un peu long peut-être mais simple. Seul bémol à l'affaire: la pinède n'aime pas la simplicité et le lieu s'est très vite transformé en piège labyrinthique. On s'est égarés, dans un très beau décor, pinède et canaux, pinède et marais, marais et moustiques. On s'est guidés au bruit des deux voies, la ferrée et l'express pour sortir de ce lacis de verdure.
C'est là que nous sommes tombés sur la maison du gardien de la pinède, Ferrugio, qui vit là avec sa femme Sonia et leur fille, Valentina. Ils nous ont accueillis, ou recueillis plutôt, tout de suite et avec chaleur, nous proposant de dîner avec eux et de dormir dans une petite pièce de leur maison. On a passé une soirée extra, accompagnée d'un bon vin de Sicile. Il n'y a pas de hasard, si la Terre en Marche rencontre le gardien de la forêt, ce ne peut être un hasard. C'est la Providence qui nous dit: "Vous êtes sur le bon chemin, sur votre chemin. Vous étiez perdus mais voici que je mets sur votre route l'aide et le réconfort. Et mieux encore."
Mieux encore que le réconfort, quand Ferrugio décide de nous faire un petit cadeau: il s'agit d'un livre contenant des graines de certaines espèces d'arbres. La Terre en Marche reçoit de quoi planter, de quoi ensemencer, de quoi enraciner. Nous avions la terre, désormais nous avons les graines.Merci à vous Ferrugio et Sonia pour votre accueil. Vous nous avez réchauffé le corps et l'esprit. Et c'est bien ces deux-là, le corps et l'esprit, que notre aventure exige de voir s'impliquer. Nous en prenons conscience petit à petit. Loin, très loin, à perte de vue le voyage d'agrément. Il s'agit d'un engament entier, il nous faudra une volonté farouche. Accepter l'humeur des éléments - cagnard dans le delta, tonnerre dans la pinède -, accepter d'être toisés parfois - la tenue du marcheur détonne avec celle du vacancier -, mais aussi d'être aidés - autrement dit d'être vulnérables -, accepter l'incertitude du gîte au quotidien - ce soir, par exemple, où allons dormir ? la Riviera ne semble pas si tolérante pour les nomades.
Tant que le corps consent à l'effort, l'esprit acquiesce dans la foulée. Il nous faudra trouver l'équilibre, savoir se préserver. La marche est une longue et intense méditation du corps et de l'esprit, j'y reviens à cette totalité. Je disais à Sabina: "Il y a du Sadhu en nous, tu sais? Du sadhu dans notre démarche, du sadhu dans le dépouillement inhérent à la marche, à son rythme"Que nous apportera demain? En attendant de le savoir, nous décidons de nous récompenser de nos efforts par l'engloutissement d'une grosse pizza de l'autre côté de la route. L'ascétisme a ses limites, qu'ignore l'estomac.